Sénèque et l’ennéagramme

Personne ne peut affirmer avec certitude quelle est la vraie origine de l’ennéagramme des personnalités. Si on sait clairement tracer sa forme moderne jusqu’à Oscar Ichazo, dans les années 60, les choses sont beaucoup moins claires quand à ses sources. De nombreuses pistes semblent toutefois confirmer le fait qu’il s’agit d’une connaissance fort ancienne, sous des formes plus ou moins proches de la forme actuelle. La difficulté à trouver les racines de l’ennéagramme proviendrait du fait qu’il a été transmis par le biais d’une tradition strictement orale au fil des âges.

Ce qui est sûr, c’est que le symbole est ancien puisqu’on en retrouve les traces 2500 ans avant J.C. (en Mésopotamie, la Fraternité Sarmoun utilisait un sceau avec le dessin d’une abeille au centre d’un ennéagramme). On ne sait pas dire si le symbole était alors utilisé de la même façon qu’aujourd’hui.

Ce qui est sûr aussi, c’est que la classification des hommes en neuf grandes catégories est ancienne. Pour ma part c’est avec surprise et intérêt que je me suis un jour arrêté sur ce passage lors de ma lecture de l’oeuvre de Sénèque intitulée “De la brièveté de la vie”.

Pourquoi ces plaintes contre la nature ? Elle s’est montrée si bienveillante ! Pour qui sait l’employer, la vie est assez longue.

Mais l’un est dominé par une insatiable avarice ;
l’autre s’applique laborieusement à des travaux frivoles ;
un autre se plonge dans le vin ;
un autre s’endort dans l’inertie ;
un autre nourrit une ambition toujours soumise aux jugements d’autrui ;
un autre témérairement passionné pour le négoce est poussé par l’espoir du gain sur toutes les terres, par toutes les mers ;
quelques-uns, tourmentés de l’ardeur des combats, ne sont jamais sans être occupés ou du soin de mettre les autres en péril ou de la crainte d’y tomber eux-mêmes.
On en voit qui, dévoués à d’illustres ingrats, se consument dans une servitude volontaire.
Plusieurs convoitent la fortune d’autrui ou maudissent leur destinée ;

la plupart des hommes, n’ayant point de but certain, cédant à une légèreté vague, inconstante, importune à elle-même, sont ballottés sans cesse en de nouveaux desseins ;
quelques-uns ne trouvent rien qui les attire ni qui leur plaise : et la mort les surprend dans leur langueur et leur incertitude.
Aussi cette sentence sortie comme un oracle de la bouche d’un grand poète me parait-elle incontestable : nous ne vivons que la moindre partie du temps de notre vie ; car tout le reste de sa durée n’est point de la vie, mais du temps.

De ce texte il se dégage dans la séquence centrale en italiques une surprenante similitude avec les neuf profils que décrit l’ennéagramme. De mon point de vue, les correspondances sont les suivantes :

  • Profil 5 => Mais l’un est dominé par une insatiable avarice;
  • Profil 1 => l’autre s’applique laborieusement à des travaux frivoles;
  • Profil 7 => un autre se plonge dans le vin;
  • Profil 9 => un autre s’endort dans l’inertie;
  • Profil 6 => un autre nourrit une ambition toujours soumise aux jugements d’autrui;
  • Profil 3 => un autre témérairement passionné pour le négoce est poussé par l’espoir du gain sur toutes les terres, par toutes les mers;
  • Profil 8 => quelques-uns, tourmentés de l’ardeur des combats, ne sont jamais sans être occupés ou du soin de mettre les autres en péril ou de la crainte d’y tomber eux-mêmes.
  • Profil 2 => On en voit qui, dévoués à d’illustres ingrats, se consument dans une servitude volontaire.
  • Profil 4 => Plusieurs convoitent la fortune d’autrui ou maudissent leur destinée;

Il est donc évident que la connaissance des profils décrits dans l’ennéagramme est au moins aussi ancienne que Sénèque (-4 avant J.C., 65 après J.C.)

Jean-Philippe VIDAL
le 9 janvier 2009

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