L’ennéagramme, outil privilégié d’écriture de scénarios de romans

Quand il s’agit de raconter une histoire, au-delà des qualités de plume du romancier, ce qui fera la différence c’est la qualité du scénario, qui constitue la colonne vertébrale garantissant l’intérêt et la crédibilité du récit. Or un bon scénario s’appuie sur deux éléments majeurs :

  • des personnages ayant de la profondeur. Dans ce domaine, l’ennéagramme des personnalités peut nous être d’un grand secours pour définir des modes de fonctionnement à la fois réalistes et subtils, qui permettront que l’auteur de l’histoire ne se projette de trop dans chacun de ses personnages, pour aboutir au final à une collection de clones ayant tous la même structure psychologique, au détriment de la véracité du récit.
  • une structure scénarique cohérente, et qui conduit le lecteur vers une évolution de sa compréhension de certains de ses problèmes, dont l’histoire racontée n’est au final toujours qu’une métaphore.

En effet, tout nous porte à croire que nos lointains ancêtres, après une journée bien remplie à chasser le mammouth, se réunissaient autour d’un feu commun et qu’on y écoutait des histoires. Ces histoires furent à l’origine de toute la mythologie qui imprégna les peuples antiques. Il est donc clair que les récits n’avaient pas pour seul objectif de distraire des chasseurs fatigués ou d’aider à affronter la noirceur de la nuit. Elles étaient selon toute vraisemblance racontées par le chamane ou le sorcier de la tribu et avaient une valeur initiatique. A travers le parcours d’un héros, elles donnaient aux hommes des schémas de fonctionnement qui leurs parlaient de leur propre histoire, résonnaient avec leurs propres préoccupations quotidiennes.

Et au fond des choses, il en est resté de même jusqu’à notre époque. Qui ne reconnaît aujourd’hui la valeur des contes d’enfants dans le processus de construction du tout petit ? En filigrane, à chaque fois que nous nous rendons attentif à une histoire, dans un livre, au cinéma ou dans la bouche d’un conteur, c’est parce qu’elle est une métaphore d’une question personnelle dont elle nous donne une clef. La difficulté que rencontre le personnage principal et la façon dont il la résout nous donnent de précieux indices sur nos propres problématiques, notre inconscient établissant à notre insu de puissantes correspondances et nous soufflant des éléments de solution extraits du processus présenté dans l’histoire.

Un scénario, c’est donc un processus. Et ici encore l’ennéagramme peut nous être d’une grande utilité, sous sa facette d’ennéagramme des processus (voir l’article sur le sujet). Tout scénario peut en effet s’envisager comme un cas particulier d’un modèle générique que nous pouvons poser sur l’ennéagramme suivant, inspiré de A.G.E Blake (The intelligent enneagram, Shamballa) :

Au départ, il y a un contexte donné, “la vie de tous les jours” (point 9).
Dans ce contexte, on a des “personnages clefs”,qui vivent leur vie habituelle dans ce contexte  (point 1).
Mais quelque chose ne va pas, les personnages ne collent pas à leur train-train, il existe une “tension”, sans laquelle l’histoire s’arrêterait là (point 2).
Un moment donné, quelque chose se passe qui va “changer les conditions” dans lesquelles un certain équilibre pouvait se maintenir, malgré la tension (point 3).
La nouvelle donne entraîne des situations de plus en plus difficiles. De simple tension, on est à présent passé à des “frictions” qui sont invivables et vont imposer un cheminement vers le point 5 pour trouver un nouvel équilibre (point 4).
Ce cheminement connduit plus ou moins facilement selon le cas vers un “point d’orgue” : une transition critique suite à laquelle les personnages accèdent à une nouvelle vérité, insaisissable auparavant (point 5).
Rien ne pourra plus être comme avant, il faut alors renoncer à se raccrocher au passé et faire évoluer le contexte (point 6).
Emerge donc une nouvelle compréhension sur la base de laquelle la situation peut “évoluer vers un nouvel état” (point 7).
La conclusion de l’histoire permet alors de dégager la vue d’ensemble du processus dramatique, faisant émerger une “compréhension d’ensemble” (point 8).

Ces étapes sont liées entre elles au-delà de la causalité temporelle par les flèches internes de l’ennéagramme. En effet :

  • (1)-(4) : Les personnalités des personnages clefs vont définir la teneur des frictions.
  • (4)-(2) : Par causalité inverse, la tension dans la vie ordinaire doit préfigurer les futures frictions.
  • (2)-(8) : La conclusion prend valeur initiatique de solution face à une tension donnée de la vie quotidienne.
  • (8)-(5) : C’est la compréhension finale qu’on veut véhiculer qui va fixer la teneur des événements au point d’orgue.
  • (5)-(7) : Le point d’orgue implique directement le nouveau contexte qui en découle.
  • (7)-(1) : Le nouveau contexte réclame des personnages capables de vivre cette transition.

Comme on peut le constater, la modélisation obtenue permet d’inscrire un scénario dans une trame qui lui garantira son efficacité, tout en laissant une grande liberté de manœuvre.

 

Jean-Philippe VIDAL
le 12 novembre 2009

© 2009 – EnVOLUTION